Mais les habitants s’étaient débrouillés pour produire localement de l’énergie : des éoliennes dans les immeubles, des petites centrales hydrauliques de production d’électricité réparties tout au long du canal, alimentaient pendant quelques heures nocturnes les maisons. Il n’y avait plus d’éclairage publique.
Peu de voitures circulaient encore dans les rues ; et celles qui restaient en état de marche avaient été réquisitionnées par les comités de défense. Depuis le début des années 20 l’essence, lorsqu’on en trouvait de contrebande, était devenue hors de prix. Des marchés locaux de nourriture, des échoppes où l’on trouvait toute sorte d’invraisemblables objets recyclés proliféraient aux quatre coins des rues. Les jardins de Belleville, les parcs des Buttes-Chaumont et de la Villette, tous les squares et les friches avaient été transformés en cultures maraîchères.
Les murs des immeubles furent petit à petit recouverts par des arbres fruitiers palissés, des vignes grimpantes... Des basses-cours proliféraient partout. On voyait des charrettes traînées par des mulets circuler et parfois de maigres troupeaux de brebis emmenés dans des pâturages vers les zones amies tenues par les fraternités des Bouseux de la Seine-Saint-Denis. Un tiers de la population avait quitté Paris et la proche banlieue, soit en rejoignant les territoires contrôlés par le BPR, soit vers les maquis du sud.
Josep Rafanell i Orra est psychologue. Il est l’auteur de En finir avec le capitalisme thérapeutique. Soin, politique et communauté (La Découverte, 2011), Fragmenter le monde. Contribution à la commune en cours (Editions Divergences, 2018) . Il a coordonné l’ouvrage collectif Itinérances (Editions Divergences, 2018) dont nous avons récemment publié les bonnes feuilles.