Littérature

Rue des Partants - Ménilmontant 1848 - 1953

De Michele Audin

Publié le mardi 27 août 2024

Les gens. Les histoires, les luttes. En partant d’un cliché de Robert Doisneau, Michèle Audin raconte Ménilmontant.

« À Ménilmontant comme ailleurs, on savait qu’on avait un roi, puis on apprenait qu’on n’en avait plus. Les ouvrières, les ouvriers, manquaient de pain. Comme dans les faubourgs avoisinants, on dressait des barricades. On donnait aux rues du quartier des noms des batailles des guerres menées au loin. Une autre guerre arrivait. On massacrait des ouvriers, des insurgés, partout dans Paris mais plus encore ici. On ramassait des cadavres dans les rues et on les enterrait où l’on pouvait. On arrêtait des hommes, des femmes, des blanchisseuses, des cordonniers, des pauvres. Ménilmontant vaincu était vide et silencieux. Mais pas soumis. »

Rue des Partants
Paris, Ménilmontant
(1848-1953)
Par Michèle Audin

ISBN 978-2-9587315-3-3
160 pages
Éditions Terres de Feu
À paraître le 27 septembre 2024

Michèle Audin sera à la librairie Libre Ère le 27 septembre à 19h30 pour la sortie de son livre.

Libre Ère
111 bd de Ménilmontant
75011 Paris


Voici une sorte de bande-annonce, de teaser, pour le livre Rue des Partants.
Par Ma Commune de Paris

C’était un village dans la commune de Belleville […] Le village se trouvait au-delà des barrières de l’octroi et du mur des Fermiers généraux, mais bientôt aussi à l’intérieur des fortifications de 1840. Les blanchisseuses lavaient le linge et le portaient. À Ménilmontant comme ailleurs, on savait qu’on avait un roi, puis on apprenait qu’on n’en avait plus.
Ici et ailleurs, les ouvrières, les ouvriers, manquaient de pain. Comme dans les faubourgs avoisinants, on dressait des barricades. Les insurgés étaient fusillés, massacrés, emprisonnés, transportés. On en faisait des gravures. Il y avait des marchands de vin, des guinguettes et de grandes salles de bal avec de beaux jardins. Après le coup d’État bonapartiste comme avant, les blanchisseuses blanchissaient le jour, les boulangers boulangeaient la nuit, les couturières cousaient souvent le jour et la nuit, toutes méprisées ou même ignorées par celles et ceux qui portaient des vêtements neufs et propres et mangeaient du pain blanc. Cela n’empêchait pas les enfants de naître et souvent de mourir. Il y avait un cimetière, justement à l’ancien emplacement du télégraphe.

Encastré dans Belleville, Ménilmontant devenait à sa suite un quartier de Paris. On construisait, là comme à Belleville et à Popincourt, une grande église. Dans les salles de bal, on tenait des banquets, on prononçait des discours devant des ouvriers réunis, typographes, cochers, boutonniers. En partant de la station Ménilmontant on pouvait faire le tour de Paris en une heure et demie par le chemin de fer de ceinture. […] Une [autre] guerre arrivait, qui s’arrêtait juste derrière les fortifications. […] Les hommes s’engageaient dans la garde nationale et portaient des pantalons bleus à bandes rouges.

Les bataillons descendaient la rue de Ménilmontant, emportant avec eux les lueurs du socialisme qu’ils tentaient d’amener jusqu’au centre de Paris. Mais les bourgeois au pouvoir étaient la force. On mourait de froid, de faim, de la variole et d’autres maladies, mais tous, avec femmes et enfants, on tirait, poussait, montait de lourds canons jusqu’au parc des Partants. Cela n’empêchait pas ces enfants d’être traités de vermine de faubourg.

Et puis c’était la fête. Des photographes venaient immortaliser les barricades joyeuses sur lesquelles les hommes posaient en essayant de ne pas bouger. On changeait le monde un peu partout à Ménilmontant et surtout dans la grande église neuve Notre-Dame de la Croix. Le presbytère avait perdu de son éclat et servait de morgue. Car il y avait des morts. Et de plus en plus puisque de grands massacres arrivaient. […] On massacrait des ouvriers, des insurgés, partout dans Paris mais plus encore ici. On ramassait des cadavres dans toutes les rues et on les enterrait où l’on pouvait. On arrêtait des hommes, des femmes, des blanchisseuses, des cordonniers, des pauvres qu’on s’était retenus de tuer sur le champ. On les envoyait au loin, boulet au pied ou pas.

Ménilmontant vaincu était vide et silencieux. Mais pas soumis. Avec d’autres, un ouvrier boutonnier s’opposait à un politicien opportuniste qui, tout en s’efforçant de plaire à la réaction, faisait sa carrière dans les parages, s’apprêtant à marquer immensément la toponymie du quartier. Ménilmontant entrait dans le vingtième siècle avec une ligne de métro le long des boulevards et un terrible accident. […] C’était à nouveau une guerre, avec ses morts et ses disparus. Ici même à Ménilmontant, un zeppelin tuait une famille entière. La paix revenue, de nouvelles familles ouvrières venues de Pologne ou d’ailleurs, qui se croyaient au pays de la liberté, s’installaient dans ce qu’on n’appelait pas encore des îlots insalubres. […]

La police française raflait hommes, femmes et enfants juifs dans leurs logements misérables et aidait les occupants allemands à les entasser dans des trains pour les assassiner au loin. On dressait encore une fois une barricade sur la rue de Ménilmontant, une femme arrêtait un train dans un tunnel, et c’était la Libération. Un siècle après le début de cette histoire, un photographe nous laissait une belle image de blanchisseuses au travail, rue des Partants — d’où ce livre est issu.

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