« La maire du 20e a interdit un outil de dialogue plus qu’un documentaire. » Omer Mas Capitolin fait partie de l’équipe de la Perm’ Belleville, l’association qui a organisé l’évènement qui aurait dû se dérouler samedi 16 mars dans une école maternelle de l’arrondissement. Il s’agissait de diffuser le documentaire « Police, violence illégitime » en public.
La séance était censée être suivie d’un débat, en présence notamment d’un policier, afin d’améliorer la relation « police-jeune » dans l’arrondissement. « Nous avions choisi de la faire dans une école car c’est le symbole de l’apprentissage », explique Omer Mas Capitolin.
La maire Frédérique Calandra (PS) a annoncé sa décision à l’association la veille de l’évènement. Omer Mas Capitolin raconte cette discussion plutôt houleuse : « Elle nous a fait comprendre que si on tenait à notre documentaire, on devait trouver un autre endroit pour le diffuser que ses locaux municipaux. »
Le réalisateur "stupéfait" par cette interdiction
Les arguments de la maire, rapportés par le bénévole de la Perm’, sont divers : il s’agirait d’un film « à charge », dans lequel « des policiers en dénoncent d’autres », et qui allait « mettre le feu aux poudres dans le quartier ». Contactée, la mairie n’a pour l’instant pas réagi, pour confirmer ou infirmer ces arguments.
Ayant saisi qu’elle n’avait pas forcément apprécié le documentaire, l’association l’a alors invité à venir en parler, dans un débat « sur lequel elle a totalement le droit d’avoir un avis », d’après Omer Mas Capitolin. La maire a refusé cette invitation.
« Nous ne comprenons tout simplement pas sa position », juge le membre de l’association. Selon lui, les citoyens ont parfaitement le droit de se poser des questions sur le fonctionnement de la police, « surtout dans la situation actuelle. » Il cite notamment les récentes affaires de suicides dans l’institution, qui peuvent montrer un certain mal-être dans la profession : « Nous ne sommes pas anti-flics. Nous avons de vrais échanges avec la police. »
C’est pour cela que l’évènement aura tout de même lieu, « avec les moyens du bord » dans les petits locaux de la Perm’.
Le réalisateur du documentaire, Marc Ball, raconte que « tout s’est très bien passé ». Mais il regrette que plus que monde n’ait pas eu accès au film, dans de meilleures conditions et dans un lieu plus grand. Il se dit « stupéfait » de cette interdiction « ironique » : le documentaire tente d’éclaircir ce que sont les « « indésirables » », une catégorie dans le logiciel de main courante que les policiers racontent alimenter dans le documentaire au cours de leurs vacations. « Et voilà que le film se retrouve indésirable ! C’est complètement incroyable, ça ne m’est jamais arrivé, pour aucun film ! ».
Il rappelle que son film a été « salué pour sa rigueur et son équilibre », n’entendant pas qu’on puisse le considérer à charge, et « diffusé sur une chaîne publique » (France 3 Paris Île-de-France, en l’occurrence). Selon le réalisateur, cette interdiction montre vraiment « la chape de plomb et l’impossibilité d’aborder le sujet des violences policières sereinement. »